Aurélie

Posté par neuro sous Me, myself, I Lundi 2 mai 2005 à 21:58

Comme d’habitude, tous les personnages et événements de cette histoire sont parfaitement authentiques, aussi toute ressemblance avec des gens, des lieux et des choses existant ou ayant existé ne saurait en aucun cas relever du fortuit et devraient donc être pris comme tel.
Seuls les prénoms ont été changés dans un soucis de préservation de la vie privée des personnes sus-citées.
Ceci est la fin du préambule.

Je déteste les rendez-vous arrangés, les plans montés de toute pièce pour caser untel avec cette pauvre Sophie qui ne se trouvera jamais personne si on ne l’y aide pas, ou pour mettre unetelle avec ce boulet de Pierre tellement gourd qu’il serait bien incapable d’aborder une fille pour lui demander l’heure. Plus que cela, ces combines surfaites, je les abhorre, je leur crache régulièrement dessus avec le peu de force dont je dispose, et les érige en meilleure manière d’installer une gène considérable et définitive entre deux êtres humains qui auraient très bien pu ne jamais se croiser et ne pas s’en porter plus mal. Bien au contraire. Sans compter qu’une fille qui a besoin qu’on lui arrange un rendez-vous avec un mec doit être soit très chiante, soit très moche, et je ne vois malheureusement pas d’alternative possible à ces deux possibilités parfaitement équiprobables. Ah si, moche ET chiante. Mais à ce niveau là, ça relève du handicap congénital, et des filles pareilles devraient avoir droit à leur carte de grand invalide civile.

En rade de petite amie depuis facilement six mois, et honteusement puceau face aux copains ayant tous franchi le pas, je me décide à accepter à contrecoeur la proposition de la « bonne copine sympa »: me présenter une de ses amies justement célibataire, et avec laquelle je devrais m’entendre à merveille. Le plan parfait selon ses dires; elle lui a longuement parlé de moi, et la belle n’attend plus que mon arrivée triomphale façon empereur romain venu réclamer son dû pour se laisser délicatement cueillir comme une grenade bien mûre. Je n’y crois pas vraiment, ce genre de choses n’arrivant qu’aux autres, mais j’accepte tout de même le rendez-vous pour le mercredi suivant. Fol espoir ou ultime solution d’un pauvre gars désespéré, je ne sais pas vraiment en fait.
Il n’empêche, en acceptant de mettre un doigt dans la machinerie, je m’y plonge de fait tout entier au point de ne plus penser qu’à cela la semaine précédente; le jour dit, je me réveille en sursaut aux alentours de six heures du matin, frétillant comme un spermatozoïde nouveau né, nerveux comme un futur père de bande dessinée le jour de l’accouchement, et plus excité qu’un troupeau de puces SDF à la vue d’un Saint Bernard une année de crise du logement. Je passe – au moins – cinq bonnes minutes dans mon placard à me demander quel vichy, du bleu ou du vert, ira le mieux avec mon jean et mon rugby shirt Serge Blanco vert bouteille, et si je dois choisir Insensé ou Xerius Rouge, ma préférence allant nettement à ce dernier malgré le fait qu’il m’ait été offert l’année précédente pour la Saint Valentin par une ex heureusement disparue dans les tiroirs de mes souvenirs. Juste à coté des chaussettes.
J’arrive trop tôt, évidemment, et je dois tuer comme je peux la demi-heure qui me sépare de mon idylle promise. Va pour les rayons du Virgin tout proche, dont je ne ramènerai rien vu la faiblesse chronique de mon budget, mon dernier album datant de facilement quatre ou cinq and – Very Pet Shop Boys, édition limitée au boitier orange parsemé de picots parfaitement circulaires avec le livret et le slow caché à la fin de Go West – mais au moins arriverai-je peut-être à cacher ma nervosité grandissante, en témoignent la moiteur croissante de mes mains et mes coups d’oeil compulsifs à ma montre de premier communiant. Enfin, elles arrivent, presque à l’heure, en tout cas pas plus en retard que ne l’exige le protocole, et, contrairement à mes attentes, elle est jolie, très jolie même, avec un ravissant minois et une poitrine avenante surplombant une taille comme je les aime aux hanches mises en valeur par le classiquissime Cimarron marron porté par les trois-quart des filles du lycée, au point que je commencerais presque à faire confiance à ma bonne étoile pour l’après-midi qui à venir. En revanche, elle ne semble pas ravie outre mesure de me voir, et on sent ses efforts considérables pour masquer une irritation pourtant clairement palpable.
– neuro, Aurlélie. Aurélie, neuro.
– Enchanté, et je le suis; malgré ma prédilection pour les brunes, je trouve vraiment cette petite blonde ravissante en tous points, au point de songer clairement à en faire mon prochain quatre heures.
– Bonjour. Sa voix pourrait être agréable, mais elle charrie plus de glaçons que la Volga en hiver, et je vois mon récent optimisme retomber d’un coup comme un mauvais soufflé en mal de fromage. Les choses me semblent soudain beaucoup moins gagnées que ce que je pensais illusoirement. Je soupire intérieurement, ce n’est pas aujourd’hui que je me déferai de ma malédiction « pas de fille pour neuro », j’en ai bien peur. Je regarde ses yeux; verts et glacés, terrifiants de mépris et d’ennui. Je regrette déjà d’être venu, j’aurais pu avancer un peu à Élite 2 « Frontier » à la place.
– Bon, je vous laisse, je dois aller retrouver ma mère. Surtout, ne faites pas de bêtises! Elle nous envoie une grimace façon complice mais pas trop. Je me retrouve seul avec un iceberg. Un charmant iceberg, certe, mais un iceberg quand-même, et son attitude n’arrange rien à ma timidité habituelle. Je m’enhardis pourtant, pas question de me déclarer perdant dès les prémices du combat.
– Tu voulais faire quelque-chose de particulier?
– Non.
– Dans ce cas, on peut aller prendre un verre à la terrasse d’un café, ou se promener dans un parc si tu préfères.
– Va pour le verre. Impossible de lui faire lâcher le moindre sourire, mon moral au beau fixe le matin même vient de toucher les abîmes de la fosse des Mariannes, et cette histoire de rendez-vous tout cuit me plonge peu à peu dans un profond scepticisme.
Sitôt les commandes passées au serveur du Plein Sud, un demi citron pour moi – je ne sais pas encore à quel points les relents de bière peuvent être tue l’amour – et un diabolo-menthe pour elle, elle sort de sa réserve, et, plongeant ses yeux dans les miens:
– Autant être claire tout de suite, je ne suis là que parce que j’ai perdu un pari stupide avec Caroline dont l’enjeu était de passer la journée avec le plus gros blaireau de son lycée. Donc n’espère pas obtenir quoi que ce soit de moi. Je reste avec toi jusqu’à six heures et basta, je ne veux plus jamais entendre parler de toi. Compris?

À suivre?

Tags: fille, rendez-vous, souvenir, rateau

4 Comments »

  1. Commentaire de pilon qui a dit
    le Mardi 3 mai 2005 à 09:08

    Le suspense est palpable jusqu’au bout.
    Tu ressens quoi exactement quand tu mets ce genre d’histoire hautement traumatisante en ligne?

  2. Commentaire de neuro qui a dit
    le Mardi 3 mai 2005 à 11:59

    Pas beaucoup de suspens ici.
    On voit des le debut que je vais me prendre un rateau enorme.

  3. Commentaire de vlam qui a dit
    le Mardi 3 mai 2005 à 12:37

    effectivement, ça se présente comme un rateau catégorie “planté entre les deux yeux”.

    J’aime particulierement la délicatesse du “dont l’enjeu était de passer la journée avec le plus gros blaireau de son lycée”. Ca transpire la chaleur humaine.

  4. Commentaire de erathrya qui a dit
    le Mardi 3 mai 2005 à 22:37

    et tu as fait quoi jusqu’à 18h ????

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